Sergio Ferrari*
Une fois de plus, la pandémie a joué un mauvais tour au mouvement altermondialiste. Le Forum social des Résistances, prévu du 26 au 30 janvier, à Porto Alegre, au Brésil, ne peut avoir lieu que virtuellement.
À la dernière minute, les organisateurs ont dû reporter au mois d’avril prochain la partie présentielle de l’événement, visant à commémorer le 20ème anniversaire de la création du Forum social mondial (FSM). Durant la 3ème semaine de janvier, le Brésil comptait environ 150’000 nouveaux cas de Covid par jour, ce qui constitue un record depuis le début de la crise sanitaire.
L’impact d’Omicron au Brésil a conspiré contre le Forum social des Résistances, auquel des représentant·es de nombreuses organisations et mouvements sociaux brésiliens et latino-américains – ainsi que des délégué·es de divers pays – avaient confirmé leur présence. Le programme initial prévoyait quatorze assemblées de convergence et, en parallèle, un Forum social de la Démocratie. Le nouveau programme du Forum social des Résistances a été remanié en format numérique.
„Nous sommes convaincus que les forums sociaux sont des flammes d’espoir pour la société civile mondiale, surtout à ce stade complexe de l’humanité“, explique la directrice de Katalizo. Elle ajoute : „Nous voulons créer des espaces pour que les jeunes et les mouvements sociaux – qui continuent à promouvoir des centaines de luttes locales et régionales dans le monde – puissent les partager, en favorisant les agendas et les confluences. Madame Mac Lorin, qui est également membre du Conseil international du FSM, a joué un rôle important dans l’organisation du FSM à Montréal, en 2016.
Tout en reconnaissant „les difficultés et les obstacles que la pandémie a également imposés à la mobilisation sociale au niveau mondial“, elle voit des signes d’optimisme dans de larges secteurs de la jeunesse qui veulent participer et renforcer les processus de transition, notamment dans les domaines social et climatique. „Nous avions prévu d’être présents au Forum des Résistances de Porto Alegre, avec un groupe de jeunes Canadiens. Bien qu’il n’ait pas été possible de faire le voyage en raison du changement de calendrier dû à la pandémie, nous préparons déjà une délégation de jeunes pour participer à la réunion au Mexique“, ajoute-t-elle.
La militante altermondialiste prévoit que le prochain FSM, dans la capitale aztèque, aura une formule hybride, c’est-à-dire avec des activités présentielles aussi bien que virtuelles. Elle souligne qu’il sera essentiel d’intégrer, sous une forme entièrement virtuelle, les expériences du dernier Forum social mondial, de janvier 2021. Celui-ci avait rassemblé près de 10’000 participant·es issu·es de 1’300 organisations de 144 pays, qui ont organisé 800 activités en ligne.
Le 27 novembre dernier, des représentant·es des Mouvements Mondiaux d’Afrique, d’Asie, d’Europe et des Amériques ont rencontré le Groupe de facilitation (groupe local d’organisation) du FSM au Mexique et les membres du Conseil international du FSM. Lors de cette réunion numérique, l’appel de mai a été ratifié. Des mécanismes ont été adoptés pour que les mouvements et organisations sociales très diversifiés s’impliquent activement dans la préparation du FSM.
En outre, l’agenda des activités que ces mouvements sociaux prévoient de promouvoir sur les quatre continents, jusqu’à la réunion de Mexico, a été mis à jour. D’autre part, la constitution de cinq commissions a été approuvée pour assurer le succès de l’événement : programmation ; communication et diffusion ; mobilisation ; systématisation, ainsi que la commission qui assurera la mise en œuvre de la méthode hybride – présentielle et virtuelle – de cet événement.
Plusieurs des participant·es à cette réunion préparatoire ont fait part de leurs inquiétudes quant à la possibilité qu’à leur arrivée à la frontière mexicaine, les journalistes et les membres des mouvements sociaux soient discriminé·es par des restrictions migratoires et ont exploré les moyens d’éviter cela.
Vingt ans après sa naissance au Brésil, le FSM – sans doute le principal espace du mouvement altermondialiste – est confronté non seulement à la pandémie, mais aussi aux défis de sa propre survie. Les voix critiques ne manquent pas : certain·es soulignent que le processus né à Porto Alegre en 2001 est déjà épuisé ; d’autres proposent de réviser la Charte des principes (https://local.attac.org/attac45/spip.php?article520 ). Celle-ci ayant encadré conceptuellement le FSM pendant deux décennies, l’idée d’un changement de cette Charte pourrait générer une nouvelle dynamique pour cet espace international.
Il reste une riche histoire de 20 ans avec des dizaines de réunions multitudinaires : Porto Alegre, Mumbai, Nairobi, Belém de Pará, Dakar, Tunis, Montréal, entre autres. La réunion de Salvador de Bahia, en mars 2018, était la dernière en format présentiel et a rassemblé plus de 80’000 participants. Une histoire qui regroupe également des centaines de rencontres thématiques, régionales et continentales, ainsi que des mobilisations citoyennes transcendantes, dans les coins les plus divers de la planète.
Souvent considéré comme mort par ses détracteurs, le FSM – conçu en 2001 comme „l’autre Davos“ et convaincu qu’un autre monde est possible – refuse de baisser les bras. Bien que décimé, il continue à lutter pour son existence et tenter de dynamiser les divers acteurs sociaux planétaires, afin de trouver des alternatives viables à un système hégémonique qui mène la planète à sa propre autodestruction.
*Traduction Rosemarie Fournier